Lundi 23 mai:  Aujourd'hui nous partons sur la route des plantations le long du MississippiPrécisons tout d’abord que le terme "plantation" désigne non seulement la terre et ses cultures, mais aussi l’habitation principale située sur celle-ci. Les plantations se sont installées le long du Mississippi parce que la proximité du fleuve permettait une irrigation facile et abondante des cultures ainsi que le transport des marchandises et des hommes.

Ce fut le coton et la canne à sucre qui constituèrent les deux principales cultures développées le long du fleuve. Beaucoup firent fortune et de vastes et luxueuses demeures furent construites. Mais la guerre civile, l’émancipation des esclaves qui suivit et la découverte de nouveaux textiles entraînant la baisse de la demande en coton causèrent le déclin des plantations qui disparurent petit à petit. Certaines continuèrent d’être habitées par les descendants des premiers planteurs, d’autres furent laissées à l’abandon à la fin du dix-neuvième siècle, mais toutes connurent une histoire difficile. Des 350 maisons de plantations qui existaient entre la Nouvelle-Orléans et Baton Rouge, il n’en reste aujourd'hui plus que 8 situées sur les deux rives du fleuve. La plupart ont été complètement restaurées et ont retrouvé leurs couleurs primitives, leurs colonnades à la grecque, leurs galeries de bois et leurs objets d'art achetés en Europe il y a un siècle et demi. Parfois transformées en Bed & Breakfast ou en hôtels, elles appartiennent maintenant à des hommes d'affaires, à des sociétés ou des associations qui se chargent de les conserver dans un état proche de celui d’origine. Mais leurs domaines de cannes à sucre ou de coton ont aujourd'hui disparu.

C'est le long de "River road", la route qui longe le Mississippi que nous partons à la découverte. Pour vraiment apprécier, il faut se transporter quelques 300 à 350 ans en arrière en ayant en tête le lourd passé historique de l'esclavage. On croise de superbes maisons mais aussi de petites cabanes dont certaines semblent originer du temps des esclaves.

La première plantation que nous croisons est la plantation Destrehan. On y retrouve la maison de maître la plus ancienne recensée dans la basse vallée du Mississippi. Elle fut construite en 1787 par Robin de Longy. Il engagea un métis libre pour faire le travail. Celui-ci reçut en paiement un esclave, une vache, un veau, 200 boisseaux de riz et de blé. Lorsqu'il eut terminé les travaux, juste deux ans avant la mort de De Longy, il reçut en plus $100. Avec l’aide de son beau-frère, Robin de Longy perfectionna la technique de granulation du sucre. D’Estrehan devint alors une des plantations les plus riches de l’état. À son apogée, elle utilisait les services de plus de 200 esclaves, qui dormaient tous dans des cabanes de bois.

Les grands chênes de la propriété ont entre 175 et 200 ans. Les Live Oaks (chênes vivants) poussent pendant 200 ans, puis stagnent pendant 200 ans, et enfin meurent dans les 200 années qui suivent.

 

La plantation Evergreen est reconnue comme faisant partie des plantations ayant conservé le plus de bâtiments historiques. On y compte 37 bâtiments dont 22 cabines d'esclaves dans leur configuration d'origine en double rangée.

 

Pas besoin d'être sur une plantation pour être coquette, surtout avec un tel arbre sur le terrain.

 

Comme nous ne pouvons pas visiter toutes les plantations nous arrêtons notre choix sur Oak Valley dont l'histoire commence vers 1700, lorsqu’un colon français, dont le nom demeure jusqu’à ce jour inconnu, décide de construire une petite maison de pionnier devant laquelle il plante une allée de 28 chênes (14 de chaque coté) formant une avenue de 400 mètres de long menant au Mississippi. Aux environs de 1830, Jacques T. Roman III, un riche planteur de canne à sucre membre d’une célèbre famille créole, acheta le site pour y construire une demeure pour son épouse. Au bout de ce qui était déjà une allée de chênes impressionnante (les arbres étant déjà âgés d’une bonne centaine d’années), il fit construire à la place de la petite bicoque une maison qu’il appela Bon Séjour et qui s’appelle aujourd’hui Oak alley ("allée de chênes"). La construction de la maison débuta en 1837 et fut achevée 3 ans plus tard.

​Les chênes de l'allée ont été intronisés à la société Live Oak en 1995. Ils ont tous été enregistrés et ont reçu un nom. Le plus grand, portant le nom de Joséphine Armstrong Stewart, a une circonférence de 10 mètres et une envergure de 40 mètres. Ce sont des arbres éblouissants. On se demande comment de telles branches peuvent rester en l'air sans se briser. Plusieurs d'entre elles d'ailleurs tombent au sol.

​La croissance verte que l'on observe sur les branches et les troncs des arbres est une fougère épiphyte, une plante aérienne qui pousse sur l'écorce des grands arbres. Elle peut survivre durant de très longues périodes de sécheresse en se desséchant. Elles prennent alors un aspect marron et mort. Toutefois, lorsque que l'eau redevient disponible, la fougère se déroule et retrouve son vert vif. C'est tout simplement magnifique.

​Juste en jetant un coup d'oeil aux petites cabanes de bois et au confort relatif des lits, on peut facilement imaginer que le travail et la vie des esclaves n'étaient pas faciles. Travaillant au champ 18 heures par jours dans des conditions difficiles, plusieurs tombaient malades ou se blessaient.